L’agilité, savoir-être ou savoir-faire?
J’entends souvent des clients dire qu’ils veulent « faire » de l’agile, ou être en « mode » agile. Ils souhaitent bénéficier de techniques et de pratiques agiles, c’est-à-dire d’un savoir-faire. D’un autre côté, beaucoup d’autres personnes, particulièrement des agilistes, parlent de l’agilité comme étant essentiellement un état d’esprit ou une culture, c’est-à-dire un savoir-être.
Je vous propose dans cet article d’étudier ces différents points de vue et de tenter de donner ma réponse à cette question : l’agilité, un savoir-être ou un savoir-faire ?
Que dit le manifeste agile ?
Comme toujours lorsque j’analyse l’agilité, j’aime commencer par en revoir les bases : le manifeste agile.
Les valeurs :
Le manifeste commence par la phrase suivante : “Nous découvrons comment mieux développer des logiciels par la pratique et en aidant les autres à le faire. Ces expériences nous ont amenés à valoriser :”. Cette phrase permet d’introduire les 4 valeurs de l’agilité :
Chacune de ces valeurs a été découverte par l’expérience et permet de valoriser une approche plutôt qu’une autre afin de mieux développer un logiciel. Nous avons ici un élément de réponse à notre question, car cette phrase met en avant l’importance de faire les choses (“en aidant les autres à le faire”). Mieux développer un logiciel est un savoir-faire.
Si nous analysons les valeurs plus en détail, la priorité est mise sur les interactions, un produit opérationnel, la collaboration et l’adaptation. Ces valeurs ne sont pas prescriptives. Bien que la première phrase fasse référence à un savoir-faire, ce qui est présenté ensuite correspond plus à une direction à suivre, un état d’esprit, et se rapproche donc plus d’un savoir-être.
Les principes :
Au nombre de 12, les principes offrent une direction à suivre plus précise pour suivre les valeurs de l’agilité.
Prenons comme exemple le troisième principe qui, selon moi, est un des plus prescriptifs : « Livrez fréquemment un logiciel opérationnel avec des cycles de quelques semaines à quelques mois et une préférence pour les plus courts. ». Il n’est détaillé ni où, ni comment livrer. Le délai conseillé est également très large et dépend de l’organisation et de son contexte. Ce principe présente donc plutôt une direction à suivre qu’une pratique.
Si l’on reprend l’ensemble des idées du manifeste agile. L’agilité se décline comme un guide concernant un savoir-être et à pour objectif d’apporter un savoir-faire.
Il s’agit bien entendu de mon interprétation. Afin de donner un peu de profondeur à cette analyse, nous allons étudier ce qu’en pense la communauté agile.
Que disent les agilistes ?
Heart of agile :
Alistair Cockburn, un des fondateurs et signataire du manifeste agile, a créé le mouvement appelé Heart of Agile. L’idée et l’objectif de ce mouvement sont de “revenir aux valeurs et fondamentaux de l’Agilité“. Ces fondamentaux sont : “l’Humain au cœur, Collaborer, Délivrer, Réfléchir, S’Améliorer“.
Nous constatons que, selon Alistair Cockburn, les fondamentaux de l’agilité apportent un état d’esprit. Il s’agit plus d’axes de réflexion et de travail qui permettent d’être agile.
Ce point de vue est partagé par beaucoup et permet même des espaces d’échange et de partage. Une communauté s’est créée autour. Mais qu’en pensent les agilistes en dehors de cette communauté ?
Qu’en pensent les autres?
J’ai effectué un sondage par réseau social ainsi qu’à l’oral auprès de mes collègues. Voici quelques-unes des réponses qui m’ont été données :
Au-delà de ces citations, j’ai pu avoir plusieurs discussions avec d’autres agilistes. L’idée générale reste la même, les principes et les pratiques de l’agilité sont liés et difficilement séparables. L’agilité serait donc un mélange des deux.
La plupart des documentations officielles agiles décrivent plutôt un savoir-être, et pourtant, les gens semblent s’accorder à dire qu’il faut les deux. Les questions que l’on peut se poser seraient donc les suivantes : D’où viennent ces pratiques ? À quoi servent-elles ? Qu’est-ce que le savoir-faire agile ?
Qu’est-ce qu’une pratique agile ?
Il existe de nombreux cadres ou méthodes agiles. Nous pouvons par exemple citer scrum, kanban ou extrem programing. Il s’agit de cadres ou de méthodes comprenant un certain nombre de pratiques. Certaines techniques plus spécifiques existent également, par exemple l’estimation relative ou le user story mapping.
Cet ensemble riche d’éléments est ce qu’on appelle le savoir-faire agile. Mais à quoi sert ce savoir-faire?
Pour essayer de répondre à notre question nous allons analyser le cadre scrum, cadre agile le plus utilisé en entreprise. Commençons par en lire la définition, selon le scrum guide, c’est “ … un cadre de travail (framework) dans lequel vous pouvez utiliser différents processus et techniques. Scrum met en évidence l’efficacité relative à la gestion de votre produit et aux techniques de travail afin que vous puissiez continuellement améliorer le produit, l’équipe et l’environnement de travail “.
Cette définition parle bien des valeurs de l’agilité, mais nous y retrouvons également la notion de processus et de techniques. Scrum propose donc un cadre de travail permettant l’agilité. On qualifie donc d’agiles des pratiques qui aident à tendre vers les valeurs et les principes de l’agilité.
Reprenons comme exemple le 3ème principe cité plus haut : “Livrez fréquemment un logiciel opérationnel avec des cycles de quelques semaines à quelques mois et une préférence pour les plus courts”. Ce principe n’est pas simple à mettre en place tel que décrit. Scrum propose des pratiques permettant d’y parvenir grâce à des itérations planifiées et à une définition précise de ce qui est terminé. Grâce à ces éléments, nous pouvons combler les imprécisions laissées (volontairement) dans le manifeste et tendre vers un savoir-être agile.
Conclusion
Pour conclure, faisons un parallèle avec le sport. Au basket, un joueur connait son objectif. Il sait également que le jeu d’équipe et la communication sont la clé pour atteindre cet objectif, c’est l’état d’esprit d’un sport en équipe. La réalisation reste cependant difficile, pour le faire il faut travailler avec l’équipe et maîtriser les pratiques telles que le dribble, la passe ou le shoot. À l’inverse, si l’état d’esprit n’est pas le bon, le fait de connaître les techniques ne suffit pas pour atteindre les objectifs. Par exemple, si chacun refuse de jouer en équipe.
Comme pour le sport, il est nécessaire pour être agile de comprendre et d’adopter la culture associée et d’en utiliser les pratiques. Être agile est donc une osmose et une harmonie entre un savoir-être et un savoir-faire, chacun complète l’autre et permet de réaliser les objectifs de l’agilité.
Quand il s’agit d’adopter la culture agile, l’être et le faire sont indissociables et il est nécessaire de le combiner … avançons!
https://www.qualitystreet.fr/2019/04/16/faire-de-lagile-et-etre-agile/
Plus j’avance en expérience agile, plus je suis persuadé que l’agilité est avant tout un savoir-être.