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Aller vers la sobriété numérique

Comme vous avez pu le lire en novembre sur le blog et dans la presse écrite depuis début décembre, chez Zenika, nous avons collaboré avec le magazine Kaizen pour produire un hors-série dédié au numérique responsable. Tout le contenu rédigé n’a pas été imprimé, ou pas en entier, pour conserver le magazine équilibré et léger. Nous vous proposons dans cet article de blog un petit chapitre issu de cette phase de rédaction, que nous avons retravaillé pour sa publication en ligne et que, nous l’espérons, vous trouverez intéressant!

L’univers du numérique, loin d’être immatériel, représente aujourd’hui près de 4% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, autant que la flotte de camions, et plus que l’aviation civile. Il est aussi en partie responsable de l’épuisement rapide des ressources naturelles (métaux, terres rares…) et de pollutions des milieux naturels lors des phases de production et de fin de vie des appareils. Cet impact environnemental, pas du tout négligeable, est de plus, comme l’univers numérique auquel il est lié, en croissance rapide. 

Le numérique doit faire partie de notre budget carbone, de notre budget planète, des limites que nous nous donnons pour ne pas dépasser les capacités de notre environnement. Comme greenit.fr le faisait remarquer en novembre, le numérique représente par exemple actuellement un cinquième de notre empreinte GES soutenable.

Que peut-on faire ?

Souvent quand on parle d’écologie, d’éviter des impacts négatifs, le mot qui revient en ce qui concerne les actions à prendre est sobriété. Comme il s’agit de faire décroître l’utilisation de matières premières et les émissions de polluants induits par notre consommation de numérique, il est clair que le plus gros levier pour cela est de faire décroître celle-ci. Nous avons donc besoin de sobriété numérique.

La sobriété, c’est ne pas consommer plus que nécessaire : ne pas acheter d’appareils non essentiels, les faire durer (en les réparant, en en prenant soin, etc.), et aussi ne pas consommer trop de contenus numériques, ce qui pourrait amener à l’accroissement du trafic et donc l’installation de nouveaux équipements réseaux et autres centres de données. 

Contrer notre biais vers l’action

La meilleure chose à faire est donc de ne rien faire ! Pourtant nous sommes bombardés de conseils de type « que faire pour être écolo au bureau », qui flattent nos envies de réaliser de bonnes actions.

Car face à un problème, nous voulons souvent agir, accomplir des choses, construire des solutions. Nous avons un biais vers l’action. Du coup des astuces du type « supprimez vos emails » ou « fermez vos onglets internet », dont l’intérêt est faible, se répandent. Elles sont d’autant plus séduisantes qu’elles sont peu coûteuses en temps et en énergie, et qu’elles ressemblent un peu à du rangement, du ménage : on passe quelques minutes à rendre les choses visuellement plus propres, ce qui nous fait du bien, réduit notre charge cognitive et nous offre la satisfaction d’avoir accompli une bonne action.

Questionner la culture du tout numérique

À force de voir le numérique s’immiscer partout, nous avons pris l’habitude d’y voir une réponse à tous les problèmes. Nous surveillons notre sommeil et notre nombre de pas avec des bracelets connectés. Nous surveillons nos rues avec des caméras et de la reconnaissance faciale. Nous pouvons changer l’ambiance de nos salons avec des ampoules connectées. Il y a même des poubelles connectées ! Un problème ? Il y a une application, et surtout un appareil, pour ça. Mais on ne peut pas acheter sans produire et on ne peut pas produire sans polluer.

Certains suggèrent d’arrêter les forfaits illimités en données, et de faire payer les utilisateurs qui consomment beaucoup. Mais ça ne devrait pas être la seule priorité. Les études montrent que l’essentiel des impacts environnementaux du numérique est lié à la fabrication des terminaux. De plus, les infrastructures serveurs et réseaux consomment de manière similaire, qu’elles soient utilisées ou non, même s’il faut rester relativement sobre en usage pour ne pas les faire grossir. 

  • Nous pouvons donc conserver nos appareils actuels et continuer à les utiliser de la même façon le plus longtemps possible.
  • Ne pas créer ou succomber à de nouveaux usages, ne pas intensifier nos usages actuels (vidéos plus lourdes).
  • Ne pas acquérir de nouveaux objets connectés.

C’est assez simple à faire!

Pour être plus extrême, plus engagé, et peut-être compenser un peu la croissance qui vient des autres, nous pouvons aussi diminuer nos activités numériques.

  • Baisser la résolution quand on visionne des vidéos.
  • Regarder moins de films et de séries mais les garder en tête plus longtemps, les savourer plus.
  • Lire moins d’articles mais les comprendre plus profondément.
  • Prendre moins de photos mais les visionner régulièrement.
  • Passer moins de temps à scroller les réseaux sociaux.
  • Retrouver la valeur des choses dans la rareté.
  • S’ennuyer. C’est bon pour la créativité.

La sobriété est une valeur qui fait partie de nos cultures

On pourrait opposer, comme le font certains, que cette démarche de sobriété est punitive, que c’est un appauvrissement. C’est en effet une richesse matérielle, de disposer de contenus à l’infini et de gadgets pratiques et récréatifs. Pourtant la sobriété fait partie de nos cultures depuis longtemps. Épicure appelait déjà à distinguer le nécessaire du superflu, et cet idéal a été celui de nombreux intellectuels depuis, ainsi que d’ordres monastiques comme les jésuites. Il est présent dans les cultures asiatiques, avec par exemple, les moines bouddhistes qui sont végétariens et possèdent peu. Il a été repris dans la culture populaire avec entre autres les Jedi, qui sont en quelque sorte des moines policiers. Depuis les débuts de la civilisation, le constat qu’il est possible d’être satisfait avec le simple nécessaire, côtoie l’ambition de posséder beaucoup.

Quels modèles économiques ?

Il est difficile de parler de sobriété numérique sans penser aux modèles de rémunérations qui sont les plus courants dans ce secteur, comme la publicité et la collecte de données personnelles, avec gratuité pour l’utilisateur. Ceux-ci ont plein d’effets délétères comme l’utilisation d’astuces ergonomiques pour capter l’attention (car avec plus de temps passé sur le service on augmente le nombre de visualisations de publicités), les problèmes de vie privée, ou encore le fait que la publicité pousse à la consommation. Mais ils entretiennent aussi une vision du numérique par la population comme étant quelque chose de léger, anodin, facile, accessible, pour lequel ils n’imaginent pas dépenser de l’argent. 

Ne devrait-on pas, comme pour presque tous les autres biens et services que nous acquérons, rémunérer directement les auteurs de services numériques ? N’est-ce pas plus sain que d’avoir pléthore de contenus gratuits dont les mécanismes de financement sont souvent opaques ?

De même pour les appareils, ne devrions-nous pas, comme on devrait le faire pour tout ce que l’on consomme, nous organiser de telle sorte que nous ayons à payer le vrai prix des choses, sans que celui-ci soit artificiellement abaissé par du dumping social ou environnemental ? Nos terminaux électroniques seraient un peu plus chers, mais moins coûteux pour la planète et les personnes qui les produisent.

Ou encore, comme le suggère l’ADEME, encourager l’économie de la fonctionnalité, c’est-à-dire de passer d’un modèle de production et de vente en masse à un modèle de location d’appareils et de fourniture de service ?

En résumé

La sobriété numérique, c’est simple et ce n’est pas pénible :

  • garder nos appareils le plus longtemps possible,
  • ne pas acheter de nouveaux objets connectés.

Les utiliser de la même façon, ou un peu moins pour ce qui est des contenus gourmands en ressources serveur. C’est une démarche qui permet de faire des économies (d’achat d’électronique), de ne pas complexifier nos vies et nos maisons avec du superflu. Et surtout cela permet de limiter la croissance de l’impact social et environnemental du numérique.


Formations :
GreenIT : État de l’art
Éco-conception de services numériques


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